Un siècle de LE COZ
Alors que les NAYEL se sont appuyé sur les opportunités offertes par la marine pour progresser socialement, c’est l’instruction publique - ancêtre de l’éducation nationale - qui a été le moteur de la trajectoire des LE COZ.
Suivons-les au fil du 19e siècle. Mais attention ! S’il y a beaucoup de “Louis” chez les NAYEL, il ne faut pas se tromper d’”Yves” (et d’”Yves Marie”) chez les LE COZ ! Ainsi, Yves (Marie Pierre) LE COZ (1847-1941), le maire de Versailles que nous avons rencontré récemment, était le fils aîné d’Yves (Marie) LE COZ, mon trisaïeul.
Il était aussi l’oncle d’Yves Marie Joseph (1889-1917), mort aux commandes de son avion le 1er janvier 1917, neveu du précédent.

On démarre en 1802, à Gouarec, Côtes-du-nord
C’est là que nait Pierre LE COZ, le 13 nivôse (3 janvier) de l’an X de la toute jeune République, fils de Jean Maurice LE COZ et de Marie Anne ROBIN.
Pierre a tout juste 2 ans lorsque son père meurt. Sa mère semble l’élever seule.
Il est « garçon maréchal » lorsqu’il se marie à 20 ans avec Marie Thérèse BUTHO. Difficile de savoir comment ces deux-là se sont rencontrés. La jeune mariée habite à Lorient où elle est née 23 ans plus tôt. Les témoins du mariage indiquent qu’elle a perdu son père il y a 14 ans. Il aurait été lieutenant de troupes de marins. La famille maternelle de Marie Thérèse semble être de Rostrenen.
En ce 1er quart de siècle, Gouarec est en plein développement : on creuse le canal reliant Nantes à Brest par l’intérieur des terres ; y passeront bientôt de nombreuses gabares de charge. Ce village, qui n’était qu’une trêve rattachée à la paroisse de Plouguernével (qui dépendait du diocèse de Quimper sous l’Ancien régime) vient d’être établi comme paroisse à part entière (on construit d’ailleurs une nouvelle église) et commune désormais rattachée au département des Côtes-du-Nord. Le petit séminaire vendu comme bien national en 1794 est d’ailleurs racheté en 1820 par Mgr de la Romagère, évêque de Saint-Brieuc et de Tréguier.
D’artisan à CSP+
Pierre (mon sosa 56) est visiblement un garçon brillant. Il sait écrire et a même une très belle écriture comme en témoigne leur acte de mariage. La signature de Marie-Thérèse est plus hésitante. En ce début de 19e siècle, environ la 1/2 des hommes savent signer au moment de leur mariage et moins de 30% des femmes.

Pierre s’établit très vite à son compte à Gouarec comme taillandier et maréchal ferrant. Le couple a 5 enfants, mais Marie Thérèse meurt le 1er décembre 1831, 4 semaines après la naissance du dernier, lui-même mort-né. Le 3e enfant, Alexandre, était mort à 13 mois en 1829.
Lors du recensement de 1836, Marie Anne, la fille aînée née en 1823, n’est pas mentionnée chez son père. Peut-être était-elle placée dans une autre maison ou était-elle en pension ?
Est-ce parce que leurs instituteurs ont noté des aptitudes particulières ou est-ce parce que Pierre les pousse ? Yves (né en 1825) et Joseph (né en 1830), ses deux fils, choisissent en tout cas de faire des études. Avec eux, éclot une dynastie de fonctionnaires et serviteurs de l’État.
Yves et Léonie : Yves Marie LE COZ (1825-1897) – l’un de mes trisaïeux, mon sosa 28 - a tout juste 20 ans lorsqu’il débute sa carrière d’instituteur, en septembre 1845 à Duault, dans les Côtes-du-Nord. Il n’y reste que 2 ans. En octobre 1847, il prend la sous-direction de l’école communale mutuelle de Saint-Brieuc – établissement qui laisse deviner sa sensibilité progressiste. C’est sans doute là qu’il rencontre Léonie MORIN, également institutrice – elle a obtenu son brevet en août 1846 –, avec laquelle il se marie en février 1847.
Tous deux sont nommés à Uzel, où ils arrivent dès le lendemain de leur mariage. Ils y restent 10 ans et c’est là que naissent 5 de leurs enfants. A la rentrée 1858, ils retournent à Saint-Brieuc où Yves prend un nouveau poste, non plus à l’école mutuelle, mais au lycée dont il assurera jusqu’à la fin de sa carrière la direction des classes primaires. Il est nommé officier d’académie en mars 1865 et officier d’instruction publique en janvier 1872.
Joseph (1830-1893), le 2nd fils survivant de Pierre, s’engage quant à lui dans une brillante carrière d’ingénieur civil. Son faire-part de décès laisse à deviner ses appétences pour les sciences autant que la fulgurance de son ascension sociale…
Revenons à nos trisaïeux instituteurs
Yves et Léonie ont eu 6 enfants entre 1847 et 1861. Yves, l’aîné (le futur maire de Versailles) nait moins de 10 mois après leur mariage. Théophile, le 2e, meurt 2 jours après sa naissance. Le 5e, Joseph, mon arrière-grand-père avait 8 ans au décès de Marie Joséphine, née 2 ans avant lui. Il lui restait néanmoins un frère et une sœur plus âgée (Yves Marie Pierre et Léonie Thérèse, respectivement de 7 et 4 ans ses aînés) et un très jeune frère, Charles, le seul à naître à Saint-Brieuc.
Hormis son fils Yves (le futur maire de Versailles) néanmoins fonctionnaire, les enfants et petits-enfants d’Yves et Léonie font perdurer sa vocation enseignante.
Le siècle de tous les possibles et des aspirations à un mode meilleur
« Ce siècle avait deux ans ! Rome remplaçait Sparte,
Déjà Napoléon perçait sous Bonaparte,
Et du premier consul, déjà, par maint endroit,
Le front de l'empereur brisait le masque étroit… »
Victor Hugo, les feuilles d’automne, 1831
Pierre LE COZ était né juste 2 semaines après Joseph NAYEL (le premier est né le 3 janvier 1802 - cette même année qui vit naitre Victor Hugo -, et le deuxième le 20 décembre 1801). Tous deux ne se sont jamais rencontrés puisque le lien entre leurs 2 lignées ne s’établissent qu’au début du 20e siècle, mais tous deux appartiennent à cette même génération d’hommes nés sous l’Empire qui rêvent leur vie d’adulte au moment de son effondrement, nourris de l’héritage d’un monde où tout est possible et où le monde est infini. Ils savent qu’ils ne tient qu’à eux de s’y projeter et d’y installer ensuite leur lignée.
Changer d’univers en 2 ou 3 générations
Dans ce même siècle, le parcours des NAYEL est à la fois similaire et différent. Il compte des générations plus longues chez les NAYEL : Joseph a 41 ans à la naissance de son fils Louis (celui qui meurt à Figeac) et 43 à celle d’Auguste. Ses 1ers enfants, nés plus d’une décennie plus tôt, sont morts en bas âge.
Pierre LE COZ lui n’a que 21 lorsqu’il devient père d’Yves.
Chez les NAYEL, on se saisit de la marine comme ascenseur social. Joseph NAYEL démarre comme simple mousse à 12 ans avant de gravir les échelons. Son parcours s’inscrit aussi dans celui d’une « tribu » où les « terriens » compensent les absences des marins. Son frère, Vincent, avait choisi de tenter sa chance de l’autre côté de l’Atlantique, ce qui lui avait visiblement réussi.
Appuyés sur la méritocratie scolaire , les parcours sont peut-être plus individuels chez les LE COZ. Les alliances matrimoniales infléchissent les orientations : si l’union d’Yves et Léonie engendre une lignée d’enseignants, celui de Joseph et de Laure BEUSCHER (issue d’un milieu de “chargés d’affaires”) oriente davantage vers des carrières “dans le privé”.

Tout en défendant des valeurs de progrès social, ces deux familles se glissent en tout cas dans le moule de la bourgeoisie. C’est le sens de leur engagement dans l’administration publique (et plus tard coloniale), l’enseignement, la médecine...



L’enseignement est d’ailleurs une opportunité pour les femmes : Léonie MORIN et sa petite-fille Marie LE COZ sont enseignantes au moment de leur mariage. Si leur carrière est limitée par les maternités et les mutations de leur époux, elles ont l’expérience de leur autonomie (de salaire) et sont elles-mêmes pleinement actrices de l’aspiration à accompagner la formation de nouvelles générations.
Ces parcours presque parallèles invitent à prolonger l’analyse avec d’autres familles. Celle des GAUTHIER par exemple, la famille d’Antoinette (l’épouse d’Auguste). Son père, Claude, né en 1810(de la même génération donc que Pierre LE COZ et Joseph NAYEL) quitte une famille de mariniers du Rhône pour venir s’établir à Lorient où il monte une entreprise prospère de plâtrerie et devient président de la chambre de commerce. Il reste encore à creuser cette histoire pour comprendre ce qui l’a poussé à choisir cette nouvelle vie.
De belles histoires encore à investir !
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