Yves LE COZ (1847-1941), ce grand-oncle versaillais
De Uzel à Versailles en passant par le Finistère et le Cambodge
La semaine dernière, nous avons fait connaissance avec Yves LE COZ (1847-1941) au travers des lettres adressées par sa seconde épouse, Gabrielle THOMAS, à la famille lorientaise en 1940 et 1941.
Yves et Gabrielle se sont mariés en 1899 à Paris. Cela faisait 17 ans qu’Yves était veuf et 30 ans qu’il était entré dans l’Administration des contributions directes et indirectes. Il occupait alors un poste de chef de bureau au ministère des Finances.
Gabrielle était la fille du sculpteur Gabriel-Jules THOMAS (1824-1905), statuaire très identifié dans les milieux parisiens. Elle avait 18 ans de moins que lui.
L’oncle Yves et la tante Gabrielle sont restés dans les mémoires familiales pour les déjeuners empesés qui se déroulaient chez eux, dans leur appartement versaillais, à quelques pas de l’hôtel de ville où Yves occupait le fauteuil de maire entre 1925 et 1935.

Détour de l’histoire par les deux-Sèvres
En 2010 ou 2011, en feuilletant un missel familial, je suis tombée sur une image « Souvenez-vous dans vos prières de Virginie ALLAIN-LAUNAY (1852-1882) ». Je connaissais déjà ce patronyme… Non pas dans la famille, mais pour être attaché à l’action conduite par une association dans une toute petite commune des Deux-Sèvres où, étudiante, j’étais arrivée en 1988 pour participer à un chantier bénévole de restauration. Une certaine Micheline ALLAIN-LAUNAY présidait en effet l’association qui redonnait vie à l’ancienne commanderie des Antonins de Saint-Marc-la-Lande.
Cette image pieuse me renvoyait 25 ans en arrière, à des liens forts avec cette femme sans comprendre pourquoi elle était glissée dans un objet familial.
J’ai envoyé une copie de cette image pieuse à Micheline et à son époux Jean-Louis, lequel m’a appelée très vite, m’invitant à venir les revoir. J’ai su en arrivant que ce serait la dernière fois que je verrais Micheline. Sans cette image, nous ne nous serions pas dit au-revoir.
Jean-Louis ALLAIN-LAUNAY m’a raconté que Virginie était une grand-tante ; qu’elle avait été la 1ère épouse d’un certain Yves LE COZ, maire de Versailles, et qu’enfant, il allait visiter cet oncle pour des déjeuners un peu guindés.
Je connaissais déjà cette histoire de déjeuners versaillais… Mais racontée par ma mère ! Collision étonnante entre deux univers étrangers l’un à l’autre ! Jean-Louis (né en 1923) et ma mère (née en 1922) ne se sont jamais rencontrés mais tous deux avaient déjeuné chez “l’oncle Yves” 80 ans plus tôt ! Ni l’un, ni l’autre n’avaient connu Virginie, décédée à Tours où Yves était en poste en 1882 à « 29 ans et 11mois » (comme le mentionne son acte de décès), mais tous deux avaient en mémoire “tante Gabrielle” sa seconde épouse, de 18 ans sa cadette, autrice des lettres que nous avons partagées semaine dernière.

Yves LE COZ, né à Uzel, Côtes-du-Nord, le 5 décembre 1847
Yves est l’aîné d’une fratrie de 6 dont 2 enfants meurent en bas âge. Si beaucoup de NAYEL se prénomment Louis, chez les LE COZ, c’est Yves qui est le prénom le plus récurrent…
Le père d’Yves LE COZ, comme sa mère, sont instituteurs.
La famille reste peu à Uzel car Yves LE COZ (père) est nommé directeur des classes primaires du lycée de Saint-Brieuc. C’est sans doute là qu’Yves et ses frères ont suivi leur scolarité. Alors que ses deux jeunes frères choisissent à leur tour le professorat (de mathématiques pour Joseph - mon arrière-grand-père -, et de lettres pour Charles) et que sa sœur épouse également un enseignant, Yves entre en 1869 dans l’administration des contributions directes et du cadastre, et y occupe plusieurs fonctions avec des responsabilités croissantes : contrôleur dans l’Orne (1872-1873), rédacteur dans les services du Morbihan et d’Indre-et-Loire (1873-1885), contrôleur principal à Paris (1885-1892) avant d’entrer au ministère des Finances (1892-1902) et finir sa carrière comme directeur pour le département de Seine-et-Oise (1902-1913).
En dépit de son veuvage précoce, Yves LE COZ garde des liens étroits avec la famille de sa première épouse, Virginie ALLAIN-LAUNAY. Entre janvier 1895 et juin 1897, il est mis à la disposition du ministre des Colonies et nommé chef de cabinet d’Armand ROUSSEAU, gouverneur général d’Indochine, qui n’est autre que l’oncle de Virginie et qui avait été témoin de leur mariage.
En 1899, après la mort du frère de Virginie, il devient tuteur de deux de ses deux neveux par alliance, Jules (1878-1924) et Yves (1891-1917) ALLAIN-LAUNAY, les neveux de Virginie. Jules est justement le père de Jean-Louis, que j’avais rencontré dans les Deux-Sèvres.
Personne n’a gardé mémoire des causes de la mort de Virginie, trait d’union entre nos deux familles. On peut imaginer que c’est à la naissance d’un enfant mais je n’en ai trouvé aucune trace dans les registres d’état-civil de Tours où le couple résidait alors. Je n’ai pas non plus trouvé de photographie identifiée d’elle, et suis incapable de remettre la main sur cette image pieuse à l’origine du décryptage de cette histoire…
Homme engagé et notable versaillais
Outre sa carrière dans l’administration des Finances, Yves LE COZ porte un long engagement militaire et civil. Comme Auguste NAYEL, il avait participé à la défense de Paris en 1870 comme garde mobile, mais au sein du bataillon des Côtes-du-Nord. Resté dans la réserve (sous-lieutenant 1876, lieutenant 1881, capitaine 1884, chef de bataillon 1891), il avait à nouveau été mobilisé le 3 août 1914, dans les services spéciaux du gouvernement militaire de Paris. Au lendemain de la guerre, alors qu’il était retraité de l’administration des Finances, on lui avait confié la présidence de la Commission de contrôle des œuvres de guerre de Seine-et-Oise. Il siégeait également à l’office départemental des pupilles de la Nation, ainsi qu’aux commissions départementales de révision des permis de séjour aux étrangers, des bénéfices de guerre et du sursis de paiement de l’impôt sur les bénéfices de guerre (au ministère des Finances).
En 1819, il était entré au Conseil municipal de Versailles, en avait été élu maire en 1925 et réélu en 1929. En 1935, il n’avait pas sollicité le renouvellement de son mandat en raison de son âge.

Parallèlement, il avait pris la présidence de l’association des maires de Seine-et-Oise dès 1925.
L’ensemble de cette carrière (44 ans dans l’administration des finances, 10 ans pour l’armée et 10 ans comme maire) lui avait valu d’être nommé chevalier de la Légion d’honneur (1895), officier (1912) et commandeur (1936). Il était également officier d’Académie (1895). A ces distinctions nationales, s’ajoutent une impressionnante liste de décorations reçues au cours de ses missions auprès d’Armand ROUSSEAU, listées dans son dossier de Légion d’honneur : commandeur de l’ordre royal du Cambodge, commandeur du dragon de l’Annam, commandeur de l’ordre du Trésor sacré du Japon, commandeur du Nichan Iftikhar (Sultan de Tidjourah), officier du Ouissam Alaouite (Maroc), titulaire de la médaille de Norodon1er, roi du Cambodge, décoré de l’ordre du Kihh-Kahn en or, de 1ère classe, de l’empereur d’Annam…
Il faudrait explorer la presse et les archives pour identifier la couleur de son engagement politique. Celle des familles ROUSSEAU et ALLAIN-LAUNAY ressemblent en tout cas peu à celle de l’électorat versaillais…
Yves LE COZ, une vie à Paris mais le cœur en Bretagne
C’est à Tréflez (29) qu’Yves et Virginie s’étaient mariés en 1877, là-même où Louis ROUSSEAU (le père d’Armand et grand-père de Virginie) avait fondé la communauté fouriériste de Keremma à laquelle les ALLAIN-LAUNAY restent très attachée, et dont Jean-Louis m’avait longuement parlé lorsque j’allais régulièrement chez eux.

Yves LE COZ meurt chez lui, 3 place Hoche à Versailles, le 27 juillet 1941.
Le 4 août, il est enterré à Saint-Brieuc (22), ancrage de sa famille maternelle, après des obsèques organisés à Versailles le 1er août, auxquels participaient Marie LE COZ, épouse de René NAYEL, sa nièce et Louis NAYEL, son neveu par alliance… ainsi que sans doute des membres de la famille ALLAIN-LAUNAY.
Il reste encore à explorer les liens d’Yves LE COZ avec l’aventure familiale de Keremma - sans doute avec l’aide des descendants ROUSSEAU, ALLAIN-LAUNAY et leurs archives -.
Un tableau de Michel BOUQUET (Lorient 1807 - Paris 1890) conservé dans la famille, attestent de liens durables, peut-être partagés aussi avec les NAYEL ?
Une référence bibliographique pour continuer à explorer cette histoire : Jean-Yves GUENGANT, les utopistes bretons au XIXe siècle, éditions Apogée. ISBN 978-2-84398-475-4
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Passionant,comme d'habitude...
Vous lire est toujours captivant où l'on découvre toute la "richesse" de la famille sur plusieurs générations; Bravo Elisabeth!