Marie et René (1ère partie 1912-1919)
Construire une famille au milieu des vicissitudes de l’Instruction publique et des grondements de la Première Guerre mondiale
Le 10 août 1912, à l’hôtel de ville, puis en l’église Saint-Louis de Lorient, Marie LE COZ épouse René NAYEL. Ainsi démarre la branche jaune de nos cousinades…


René est le cousin du mari de Marguerite, la sœur cadette de Marie. Il est né le 10 mai 1883 à Bressuire (Deux-Sèvres).
Il est probable qu’après le décès de son père alors qu’il n’avait que 11 ans, René ait fait une partie de sa scolarité au lycée de Lorient auprès de son cousin Louis, de 6 ans son aîné. C’est en tout cas dans l’académie de Rennes qu’il obtient son bac en 1902.


D’octobre 1904 à décembre 1906, René est surveillant d’internat au lycée de Tours - où réside alors sa mère -, puis au lycée de Rennes à partir de janvier 1907. Après une licence de lettres et littératures allemandes obtenue en 1908 à l’Université de Rennes, il occupe, à partir de janvier 1911, un poste de “délégué pour l’enseignement de la grammaire et de l’allemand” au lycée de Brive (Corrèze).
Lors de leur mariage, Marie, elle, est institutrice à Saint-Nazaire.
Hormis Auguste, il y a peu d’enseignants chez les NAYEL. Le tropisme du professorat est en revanche bien implanté chez les LE COZ (Joseph est professeur de mathématiques, son frère de littérature) et les GOESLE (Victor, le grand-père maternel de Marie est professeur de sciences naturelles). Elle et René se projettent eux aussi dans cette même tradition.
Avoir des ancêtres fonctionnaires est une chance !
Les archives de l’armée comme de l’Éducation nationale permettent de retracer des carrières et s’autorisent même parfois des incursions presque intimistes.
Les dossiers de Marie LE COZ et de René NAYEL sont conservés aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine (département du siège du rectorat). Ils retracent toute leur carrière, comme celle de Joseph LE COZ et d’Auguste NAYEL.
Jeunes mariés cherchent postes stables
Pour rejoindre René à Brive après leur mariage, Marie demande un congé d’inactivité pour l’année scolaire 1912-1913. Dès l’été suivant, René obtient un poste de professeur d’allemand remplaçant au collège de Dinan. Le jeune couple revient en Bretagne et Marie engage les démarches pour retrouver une classe. Son père, Joseph LE COZ écrit lui-même au recteur pour appuyer sa demande et à la rentrée suivante, elle est chargée des petites au tout nouveau collège de jeunes filles de Dinan.
Cette rentrée 1914 est aussi marquée par le début de la guerre
Comme 4 millions de Français, René est mobilisé le 1er août. Lors du conseil de révision, en 1903, son astigmatisme l’avait été désigné pour le service auxiliaire. Ce n’est que fin mars 1915 qu’il est appelé à rejoindre à Niort le 7e régiment du hussards, et le 12 mai, il est affecté comme interprète au dépôt des prisonniers de guerre à Bressuire.


Enceinte de leur premier enfant, Marie reste à Dinan. Elle obtient un congé à compter du 12 avril 1915, part à Lorient et y accouche le 1er mai d’une petite Aline. Ce prénom marque l’attachement des jeunes parents à la 2nde épouse de Joseph LE COZ, Aline CANIVET, qui a élevé Marie et sa sœur Marguerite après le décès de leur mère.
C’est à nouveau Joseph LE COZ qui écrit au recteur pour demander la prolongation du congé de sa fille initialement prévu jusqu’au 11 juin. Il évoque un accouchement difficile, suivi d’une pleurésie et l’absence de son gendre. Le congé est prolongé de 8 jours, puis jusqu’à fin juin.
A la rentrée 1915, René est toujours à Bressuire. A Dinan, en plus de sa classe au collège, Marie doit gérer seule la petite et les maladies infantiles : une poussée aigüe d’eczéma impétigineux avec fièvre (certificat médical du 29 novembre pour 15 jours d’absence, suivi d’une nouvelle demande pour 15 jours), 3 jours d’absence à nouveau mi-mars 1916 pour cause d’indisposition du bébé.

Le 21 mai 1916, René est enfin affecté au dépôt des prisonniers de Dinan.

Il ne sera resté qu’à peine un an à Bressuire, et a dû arriver quelques temps avant sa prise de poste puisque 10 jours plus tôt, Marie adresse un certificat attestant qu’elle est retenue auprès de son mari souffrant d’une forte angine.

En regard de la situation générale, le jeune couple profitait du rare privilège d’être ensemble et loin du front. Mais la guerre ne pouvait complètement les épargner : le 1er janvier 1917, Yves LE COZ, le demi-frère de Marie, commandant de l’escadrille C64, est abattu au retour d’une mission de reconnaissance.
La fiche annuelle de Joseph et de Marie LE COZ ne mentionnent pas d’arrêt, hormis un certificat médical pour “huit jours au moins (besoin de repos)” adressé le 11 février pour Marie, et pour son père la mention “du deuil cruel d’un fils lieutenant tombé pour la Patrie” portée sur son inspection annuelle.
Marie fait suivre un nouvel arrêt le 30 avril pour métrorragie. Un mémoire de frais de suppléances pour absence est ajouté à son dossier pour le mois de mai 1917.
De son côté, à la rentrée 1917, René passe en sursis d’appel et retrouve un poste de professeur d’allemand – titulaire cette fois - au lycée de Dinan.
L’hécatombe continue à l’est, mais la nouvelle année scolaire se déroule sereinement semble-t-il à Dinan, marquée par de très bonnes inspections pour les deux jeunes enseignants (que nous détaillerons dans une prochaine chronique), une grippe de Marie fin février 1918 (15 jours d’arrêt), et une 2e grossesse.
Henri naît le 26 septembre 1918. Cette fois, Marie bénéficie d’un congé allant d’emblée jusqu’au 31 décembre, avant d’être prolongé jusqu’au 31 janvier 1919. Mais elle n’ira pas non plus jusqu’au bout de l’année, et adresse le 7 juillet un courrier et certificat médical indiquant au recteur que « Mon petit garçon, âgé de 9 mois, est atteint d’une forte bronchite. Je ne puis le quitter un seul instant et me vois obligée d’interrompre mon service au collège ces jours-ci. Je vous serais très reconnaissante de vouloir bien autoriser mon absence pendant une semaine… » Les notes concernant sa suppléance s’additionnent…
Dès novembre 1918, René avait demandé un poste de censeur
Il l’obtient en juin 1919. La rentrée de septembre s’effectue donc au lycée de Pontivy où il reste jusqu’en juin 1922.
Les enfants naissent au fil de ces affectations successives : Alain le 5 avril 1920 à Pontivy (où il est censeur de septembre 1922 à juin 1923) et René le 2 avril 1924 à Brest (où il occupe les même poste à partir de la rentrée 1923).



La carrière de Marie semble s’être arrêtée à l’été 1919, lorsque la famille quitte Dinan pour Pontivy. Les charges de famille et les fréquentes mutations de René ne lui ont sans doute pas laissé la possibilité de continuer à enseigner en dépit des qualités pédagogiques louées sur ses inspections annuelles.
Son dossier aux archives ne comporte pas de pièces postérieures à juillet 1919. C’est désormais la carrière de René dans les lycées de l’Ouest que nous pourrons suivre.
Toujours aussi passionnant merci!
Merci pour ce travail fructueux et particulièrement riche, merci encore,j'ai beaucoup appris sur mes grands parents.