Être enfant de colonial et naître à l’autre bout du monde, c’est souvent avoir des parrain-marraine eux-mêmes coloniaux que l’on perd de vue au fil des affectations des parents. 4e enfant de Louis NAYEL et Marguerite LE COZ, Madeleine (1919-1990) a eu la chance de naître et d’être baptisée à Lorient. Il reste quelques lettres des relations durables qu’elle a eues avec son parrain Louis MAYEUX (1878-1944), un ami d’enfance de son père.

Louis MAYEUX a fait médecine, sans doute à Nantes. C’est en tout cas là qu’il a rencontré et épousé Jeanne CHARRIER en 1901. Son ami Louis NAYEL (qui venait de finir Saint-Cyr et s’apprêtait à partir en Chine pour une mission topographique) était de la noce : on trouve sa signature sur l’acte de mariage.
Louis MAYEUX établit d’abord son cabinet d’abord à Plœmeur à côté de Lorient, avant de s’établir définitivement (avant 1909) à Cléguerec, petite commune de l’arrondissement de Pontivy.




Louis MAYEUX souffre d’une myopie assez importante qui lui vaut, lors de la conscription, d’être affecté aux services auxiliaires. Il est néanmoins rappelé lors de la mobilisation générale du 1er août 1914, affecté à l’hôpital de Vannes, puis au camp de Meucon où il est chargé du service médical, et à nouveau à l’hôpital de Vannes en janvier 1916. C’est sans doute à sa demande qu’il part rejoindre les terrains d’affrontements. Il est blessé à la jambe droite à Rainecourt (Somme) le 3 septembre 1916.


L’édition du 31 décembre 1916 du Journal de Pontivy et de son arrondissement rapporte que « (…) M. le docteur MAYEUX, médecin aide-major du 3e régiment d’artillerie à pied a été cité à l’ordre de l’armée en ces termes élogieux « médecin d’une bravoure et d’un dévouement remarquable pratiquant ses soins sous le feu aux blessés, non seulement de son corps mais aussi des unités voisines, en particulier les 17 et 18 juillet sous un tir ennemi intense. »
Son engagement ne tarit pas, et il est une nouvelle fois cité à l’ordre de l’armée le 20 juin 1918 :
« Médecin d’un dévouement au-dessus de tout éloge qui n’a jamais voulu se réclamer de son âge et de sa durée de service au front pour être affecté à une formation à l’arrière. Toujours prêt à se porter au danger, a assuré en toutes circonstances l’organisation des secours les 27, 28 et 29 mai au cours d’un bombardement qui a gravement éprouvé le personnel. »
En décembre 1920, il reçoit la Légion d’honneur au titre de son engagement militaire.

A l’automne 1919, il se présente aux élections municipales, est élu le 14 décembre 1919. Il est également conseiller d’arrondissement.
C’est le 25 décembre 1919, quelques jours après cette élection, que Madeleine voit le jour. C’est à la fois pour marquer une longue amitié et pour partager à sa fille un modèle d’engagement que Louis et Marguerite NAYEL choisissent Louis MAYEUX comme parrain.

Madeleine grandit loin de la Bretagne et les visites à son parrain sont espacées. Si la correspondance durant l’enfance de Madeleine n’a pas été conservée, celle reçue de Cléguerec entre 1937 (date de la fin d’activité de Louis NAYEL et de son retour à Lorient) et 1941 (départ de Lorient pour Angers de Louis et ses 3 filles) traduisent toute l’affection des MAYEUX – qui n’ont pas eu d’enfants – pour Madeleine et le reste de la fratrie.
En croisant ces lettres avec le travail de mémoire porté par des Cléguerecois investis dans l’histoire de leur commune, on peut retisser des témoignages précieux de la vie durant l’Occupation – qui fait l’objet d’une exposition dans la commune en avril 2025.
Dans cette 1ère chronique, la guerre n’en est qu’à ses prémisses. Les propos restent anecdotiques mais nous permettent de faire connaissance avec les protagonistes.


27 juin 1939, Ma chère Madeleine,
Deux mots à mon retour de vacances pour te dire que j’apprends avec énormément de plaisir le succès que tu viens de remporter et que ton père a bien voulu annoncer à Tatou en notre absence. Félicitations bien affectueuses.
Jeanne, après un voyage très agréable, se prépare à partir pour le Trévou préparer la maison en vue d’une location prochaine. Que ton père ne regrette donc pas de ne pouvoir venir en ce moment, car puisque l’occasion se présente de louer plus tôt que d’habitude, nous allons la saisir.
Mon affection à tous autour de toi et pour toi surtout, ma petite Madeleine. Nous aurons d’ailleurs l’occasion d’en reparler. Baisers. Louis.
(sur la même feuille, de la main de Jeanne)
Mon cher Louis, Félicitations à Madeleine ; Nous avons été joyeux tous les deux de ce succès. Les Adrien arrivent de [??] vers le 15 juillet pour 5 semaines. J’irai vous dire bonjour avec eux. Je pars lundi pour Trévoux faire un peu de rangement avant l’arrivée des locataires. Je n’en finis pas de déménager. Avez-vous enfin terminé votre installation ? Baisers à tous, bien affectueusement.
(NB : Tatou est la cuisinière du docteur MAYEUX, surnommée ainsi du fait de son grand nez d’après les souvenirs familiaux).
Si les garçons avaient fait leur scolarité en France en pension auprès de leur oncle René, les filles de Louis NAYEL avaient suivi la leur par correspondance. Madeleine était arrivée au lycée l’année de son baccalauréat, et s’engage ensuite dans des études de droit.
Les MAYEUX sont propriétaires d’une résidence secondaire à Trévou-Tréguignec (Côtes-du Nord comme on disait alors). Ils sont très proches d’Adrien CHARRIER, le neveu de Jeanne, maire de Port-Louis, engagé plus tard dans les Forces françaises libres. Jeanne s’enquiert des travaux que Louis NAYEL a entrepris dans la maison de ses parents, à l’angle de la rue Duguay-Trouin et de l’avenue de la Marne à Lorient, et qui ont sans doute été la raison de la mise en malle d’un grand nombre d’objets retrouvés par la suite.


9 janvier [la lettre n’est pas datée, L’année pourrait être déterminée en retrouvant la date de naissance de Marcelle, la fille d’Adrien CHARRIER, à vérifier dans l’état-civil de Port-Louis, non encore versé aux archives départementales. A moins que Marcelle soit née le 30 décembre 1937, il s’agit vraisemblablement de janvier 1940.
Ma chère petite Madeleine,
Comme chaque année à pareille époque, ton parrain vient de se payer une bonne grippe qui m’a empêché de remplir mes devoirs auprès de ceux que j’aime et même, comme pour toi, de répondre à leurs lettres. Par bonheur, la tante Jeanne avait eu l’heureuse idée de me devancer et de vous envoyer mes vœux, que je renouvelle ici pour tous, jeunes et vieux.
Comme vous, nous avons souffert du temps, et même plus que vous, car par ici la couche de neige a atteint 45 cm, et par là-dessus le verglas m’a immobilisé près d’une semaine, ou tout au moins a rendu la circulation si difficile que je n’osais guère sortir, risquant à tout moment d’envoyer ma voiture dans les décors, ce qui de toute façon eut été désastreux, surtout avec une voiture toute neuve comme la mienne. Tu pourras d’ailleurs juger de ce que nous avons eu par ici car Adrien CHARRIER me disait hier que la veille, revenant de Saint-Malo, il avait encore trouvé le long de certaines routes de la neige amassée en tas et non encore fondue !Tu diras à Papa s’il ne le sait déjà que le dit Adrien a eu le 30 décembre une belle petite fille, que l’on a prénommée Marcelle Andrée en souvenir du grand-père et de la petite cousine. Adrien attend la visite de ton père que je lui ai annoncée, mais pas au port de pêche, car il risquerait de n’y trouver personne ; il faudrait donc qu’il aille au Port-Louis où tout le monde serait enchanté de le voir. Voilà la commission faite.
Nous avons trimballé la tante FRIMAULT à Loudéac où elle semble se plaire. Jeanne n’a pas eu la possibilité d’aller chez vous lors du déménagement. Elle compte aller d’ailleurs vous voir sans tarder, peut-être même samedi, vous demander à déjeuner. En ce cas, elle téléphonera au 3-55 dès le vendredi. De cette façon, vous aurez des nouvelles toutes fraîches.
Je t’embrasse bien affectueusement ma petite Madeleine, de notre part à tous deux, et te prie, de toutes nos affections pour tes sœurs, frères et ton père.
Ton vieux parrain, L. MAYEUX


Le docteur Louis MAYEUX semble porter une véritable passion pour les automobiles. En 1908, il représente le club armoricain à l’assemblée générale de la Fédération des automobiles clubs régionaux de France. Il adhère aussi au Touring club de France.
Un album photos sauvé miraculeusement d’une déchetterie et conservé à la mairie de Cléguerec montre la place de la voiture dans la vie familiale de Louis et Jeanne MAYEUX. On peut comprendre ses réticences à faire rouler son dernier bijou alors que les routes du Morbihan sont transformées en fondrières !
La tante FRIMAULT est l’épouse de Jean FRIMAULT, pharmacien à Quintin qui avait été témoin du mariage de Louis MAYEUX et Jeanne CHARRIER. En 1901, il avait alors 50 ans. Son épouse est sans doute très âgée – peut-être veuve – en 1940.

Nous retrouverons prochainement les MAYEUX et les NAYEL au travers de leur correspondance durant l’Occupation : Cléguérec est un refuge pour les lorientais bombardés...
Merci à Marie-France LORANS de Cléguérec pour tous les renseignements fournis et pour l’envoi des photos de l’album des MAYEUX !
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