Halte aux démarcheurs !
On n'attrape pas les mouches avec du vinaigre... et moins encore les sculpteurs avec de l'huile.
Lettre d’Auguste NAYEL à Monsieur Henri BONNET, industriel à Salon (Provence)
Lorient, le 28 novembre 1907
J’ai reçu hier votre lettre du 29 novembre, qui prouve une fois de plus, que dans notre chère France, on ne peut recevoir une récompense honorifique ou autre, sans que des industriels ou commerçants en profitent pour vous adresser leurs produits, avec force éloges et compliments qui font songer à la fable du Renard et du Corbeau du bon La Fontaine. Car vous n’êtes pas le premier.
Depuis ma nomination, j’ai reçu plusieurs offres de ce genre, entre autres un Diplôme illustré, grand format, qu’un éditeur m’adressait, toujours à titre d’hommage gracieux en m’informant que le facteur me présenterait la note.Je lui ai renvoyé le tout en lui affirmant que le Diplôme officiel du Ministre me suffisait. J’en ai fait autant pour les autres.
C’est vous dire qu’il est inutile de m’envoyer votre bidon d’huile de table de 5 kg, et s’il est déjà en route, vous pouvez vous attendre à le voir revenir en port dû.Si, dans la dernière promotion, il se trouve des naïfs disposés à accepter des offres de ce genre, je reconnais que vous avez raison d’en profiter ; c’est d’un bon commerçant qui entend sa réclame. Mais ma vieille expérience m’a, depuis longtemps, rendu insensible à ces flatteries ou hommages trop intéressés.
A bon entendeur, Salut.A. NAYEL, statuaire, 2 rue Duguay-Trouin à Lorient
Ce mot d’humeur est recopié par Auguste lui-même au verso de la lettre adressée par le bon monsieur BONNET, expert en huile et en flagornerie.
Salon, le 22 novembre 1907.
(A) Monsieur Nayel, Officier de l’Instruction publique à Lorient.
Fournisseur d’un grand nombre de clients de choix, décores ou susceptibles de l’être, je compulse soigneusement l’Officiel afin de pouvoir offrir mes modestes félicitations à ceux d’entre eux, promus ou décorés.
Malgré que je n’ai pas encore le plaisir de vous compter au nombre de ces clients, voulez-vous me permettre, en la circonstance de vous considérer comme tel et de vous offrir mes plus vives félicitations pour la récompense que notre chère France vient de vous décerner ?
Oui, je pense.
N’est-il pas juste que notre chère France récompense à titre Honorifique les citoyens dévoués qui à un titre quelconque contribuent à sa Grandeur ?
Et dire que certains voudraient supprimer cette Belle Patrie !
Est-il possible que dans les sommités intellectuelles il se trouve des conceptions si peu en harmonie avec la vérité ?
Je m’arrête sur ce terrain bien glissant presque à regret car être expansif, c’est se faire connaitre, mais lorsque l’intérêt est en jeu, la plume courant au gré des sentiments est-elle une garantie suffisante pour recevoir une marchandise à sa convenance. A mon avis la pratique est préférable.
Je me permets donc Monsieur de vous présenter un de mes produits en vous adressant franco un petit bidon de 5 kg de mon excellente HUILE DE TABLE SUPÉRIEURE L’EXQUISE DOUCE, cotée à 2 frs 40 le kilos huile que je ne vous compterai à titre d’entrée en relations qu’à raison de 1 fr 80 le kilos prix de revient du produit, frais divers à ma charge petite concession que la délicatesse me dicte de faire en raison de la liberté que je prends envers vous.Durant l’automne et l’hiver, je pourrai vous livrer n’importe quelle quantité, plus beaux, plus frais et meilleur marché que n’importe quel concurrent, des dattes, figues, pruneaux, malaga, mandarines, amandes, noisettes, fruits confits, confitures, cafés, thés, vanille, olives, eau de fleurs d’orangers, etc… Etant spécialiste et unique en ce genre pour la clientèle de Choix.
C’est vous dire, Monsieur, qu’il me serait infiniment agréable de pouvoir vous compter au nombre de mes clients fidèles.
Dans cet espoir, je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments respectueux.
H. BONNETSeriez-vous susceptible de consommer mes spécialités et dans ce cas vous plairait-il courant Décembre d’en recevoir un colis à titre purement gracieux pour vous les présenter ? Inclus une enveloppe affranchie à ce sujet.
C’était bien tenté…
Mais ce fut visiblement un échec !
Bon finalement c'est pas nouveau le harcèlement commercial! Sacrés échanges.