Ce lundi 1er juillet 2024, Fabrice LOHER, maire de Lorient, a inauguré la pose de plaques rendant hommage aux Lorientais morts pendant la guerre de 1870-1871.
Ou plutôt, la re-pose puisqu’il s’agissait de restituer un monument disparu…
L’invention des monuments aux morts
Le conflit de 1870-1871 est le premier pour lequel s’érigent des monuments aux morts, traduction de nouvelles formes de reconnaissance individuelle et collective. Dès le 16 octobre 1870, un monument est inauguré en Allemagne, rassemblant les corps de soldats français et prussiens tombés lors des affrontements du 6 août.
L’idée est reprise en France par les municipalités où se sont déroulées des batailles, les départements - pour leurs « mobiles » -, mais aussi par des initiatives privées coordonnées par le Souvenir français créé au lendemain de la guerre.
Dessin d’Auguste NAYEL, mobilisé dans le 1er bataillon de gardes mobiles du Morbihan pour la défense de Paris.
À la différence des monuments « en série » produits après la boucherie de 1914-1918, ce sont souvent des œuvres uniques. Ils ne portent pas encore systématiquement le nom des disparus. On en compte environ 900 en France. Leur réalisation s’étale sur une vingtaine d’années.
En souvenir des 39 Lorientais tombés
Dès septembre 1870, le Conseil municipal de Lorient avait voté la réalisation d’un monument dédié à ceux qui ne reviendraient pas. Mais au lendemain du conflit, pour que le projet aboutisse, il faut que la liste officielle des disparus soit finalisée.
Les actes de décès tardent à remonter : en dépit de la consigne donnée aux officiers, les décomptes des pertes lors de chaque bataille n’ont pas toujours été rigoureusement tenus.
En avril 1873, la municipalité de Lorient estime toutefois avoir abouti avec une liste de 39 noms, et retient le projet dessiné par l’architecte municipal Stéphen GALLOT :
« Une table en marbre noir, de granit de Kersanton avec dans la partie supérieure les armes de la ville gravée et une dédicace ainsi libellée - 1870-1871 - Aux enfants de Lorient morts en défendant le sol et l’honneur de la France - La partie inférieure divisée en deux colonnes destinées à recevoir les noms gravés dans l’ordre alphabétique. »
Un dessin retrouvé dans les archives d’Auguste NAYEL laisse à penser qu’il avait également imaginé un projet qui n’a néanmoins pas été retenu.
Entre un mobile et un fusilier marin, devant un horizon serein, mais assise sur un trône orné de deux lions, une Marianne couronnée de lauriers prépare la revanche… Aquarelle d’Auguste NAYEL.
Le monument lorientais installé dans une arcade latérale de l’hôtel de ville. Son inauguration a lieu le 27 janvier 1874.
14 ans plus tard, pour donner davantage de visibilité dans l’espace public au sacrifice des malheureux, il est décidé de le doubler en plaçant « quatre plaques [portant] le nom des soldats morts pour la Patrie » sur le socle de la colonne Bisson sur le cours de la Bôve.
Une guerre chasse l’autre
Les bombardements de 1943 pulvérisent les plaques, alors que la colonne résiste.
Déplacée en 1953 dans le cadre du nouveau plan d’urbanisme, son socle conservait toutefois les traces de fixation, stigmates bien muets de la mémoire de cette liste commémorative.
Pour en savoir plus sur l’histoire de ce monument, et plus largement sur la participation d’Auguste NAYEL et des Lorientais dans le conflit franco-prussien :
Il aura donc fallu plus de 80 ans pour raviver la mémoire des Lorientais disparus au cours d’une guerre, elle-même trop souvent reléguée dans l'oubli.