Christophe NAYEL (1742-1811), boucher pour la Compagnie des Indes
Embarqué en 1765 vers la Chine à bord du "Duc de Choiseul"
En 1765, parmi les 160 hommes à bord, le rôle d’équipage du Duc de Choiseul, vaisseau de la Compagnie des Indes, compte l’embarquement d’un Christophe NAYEL, de Pluvigner, âgé de 21 ans comme novice boucher. Il est très probable qu’il s’agisse du benjamin de la fratrie des NAYEL dont 2 aînés sont déjà venus s’établir quelques années plus tôt à Lorient.
Un prénom prédestiné au voyage
Les parents de Christophe, François NAYEL et Jeanne JOANNO, sont également bouchers. Ils se sont mariés à Pluvigner en 1729. Christophe est leur 6e enfant. Il nait le 20 juillet 1742, et est baptisé le même jour.

Christophe BRAY, le parrain, est issu d’une famille de tanneurs corroyeurs. Les registres de la paroisse confirment les alliances entre les familles BRAY et NAYEL, facilitées sans doute par les interférences professionnelles entré métiers du cuir et de la viande.
Deux des frères ainés de Christophe, Charles (1732-1786) et Guigner (1734-1788) ont commencé à établir dès les années 1750 une activité de commerce de viande à Lorient, en fournissant notamment les navires en partance.
Le virus de la mer s’implante durablement dans la famille
En embarquant en 1765 sur Le Duc de Choiseul, Christophe NAYEL sait qu’il part pour la Chine. Sa solde est fixée à 15 livres par mois.
Le dépouillement des registres paroissiaux laisse à penser qu’il a du continuer à naviguer après cette course de 14 mois. Il est en effet mentionné « absent » à la naissance de deux de ses enfants, Julie Françoise en 1773 et François en 1776.
Entre deux voyages, Christophe se marie.

Christophe et Françoise ont 5 enfants : 4 filles et 1 fils.
On perd la trace de Jeanne Marie (née en 1771) et de François (né en 1776) mais les trois autres filles se marient à Lorient… avec des marins ! Hormis les regitres paroissiaux et d’état-civil, il y a malheureusement peu de sources pour en savoir davantage sur ces femmes :
Louise Charlotte (1772-1867) épouse Michel AUFFRET. Son acte de décès - à 95 ans - mentionne qu’elle est veuve, pensionnée de la Marine. Elle est, semble-t-il, la seule de sa fratrie à savoir signer ;
Julie Françoise (1773-1844) épouse Jean JAFFRE, également marin ;
et Marie Julienne (1779-1859) épouse Jean Baptiste Michel Pierre GUILLAIN, commissaire aux vivres de la marine.
A Lorient, la “tribu” NAYEL s’organise entre terriens et marins. Et les terriens prennent le relais lorsque les marins sont en mer.
C’est sans doute parce que ses gendres étaient embarqués, que ce sont 2 neveux de Christophe qui déclarent son décès en 1811. L’un des deux, Julien François, décède lui-même quelques mois plus tard.

Le dépouillement systématique des rôles d’équipage des navires en partance de Lorient (SHD de Lorient et Archives nationales) permettrait d’en savoir plus sur la carrière de Christophe NAYEL, de ses gendres et de nombreux autres membres de la famille.
Grâce aux archives en ligne, on identifie déjà un Marc NAYEL, également né à Pluvigner (sans doute le frère de Christophe), matelot sur Le Petit Choiseul et Le Saint-Jean-Baptiste mort à l’hôpital de Chandernagor (Inde) en novembre 1768, ainsi qu’un de leurs cousins de Pluvigner, François NAYEL, né en 1732, recruté comme novice boucher 9 ans plus tôt sur Le Duc de Bourgogne (armement annulé, resté à terre), puis en 1758 sur Le Duc de Parme, congédié à Lisbonne et dont en perd ensuite la trace. Mais il est peu probable qu’on arrive à en savoir davantage sur ces deux-là…
Un voyage sur un navire emblématique
Le rôle d’équipage du Duc de Choiseul de 1765, conservé au SHD à Lorient, est pour le moment la seule source d’information sur la carrière de Christophe NAYEL. On y apprend aussi qu’il était petit et châtain.
Le navire porte lui-même un morceau d’histoire nationale : dans ces années 1760, Étienne François de Choiseul-Beaupré-Stainville, secrétaire d’État à la Marine de Louis XV, met en œuvre une politique ambitieuse pour moderniser la marine (technique, enseignement, campagnes d’exploration…) et restaurer la flotte française après la Guerre de Sept Ans (1756-1763) qui l’a quasiment intégralement détruite.
Alors que l’État est très largement endetté, il fait appel à la générosité de chacun (ce qu’on appellerait aujourd’hui une campagne de mécénat ou de crowdfunding) pour financer la construction de vaisseaux. La demande est d’abord faite aux délégués du Languedoc « d’offrir à Sa Majesté un vaisseau de ligne de 74 pièces de canon et de donner par cette démarche au reste de la France (…) le signal de ce que peuvent et doivent faire les sujets véritablement dignes du meilleur des maîtres (…). Il n’est point de bon Français qui ne se sente animé du désir de tout sacrifier pour concourir aux efforts du roi et du ministre sage et éclairé pour restaurer la marine française ».
L’exemple est suivi par les autres provinces - la Bretagne, notamment dont le navire est lancé à Brest en 1766, des villes (Paris, Bordeaux…), des institutions (les postes, les marchands de Paris, les fermiers généraux…) et de simples particuliers. Lancés entre 1761 et 1766 sous Louis XV, ces appels aux dons sont renouvelés en 1782-1790 sous Louis XVI et enfin sous la Révolution et l’Empire. L’émulation, le patriotisme et la fierté font rivaliser navires et donateurs.
A tout seigneur, tout honneur, l’un des 1ers bâtiments issu de cette campagne porte le nom de son initiateur (plusieurs autres vaisseaux également par la suite, en dépit de la disgrâce du duc en 1770). Il compte 800 tonneaux et porte 22 canons. C’est celui sur lequel embarque Christophe NAYEL.
Le Duc de Choiseul appareille de Lorient le 1er février 1765 en direction de la Chine. Après une escale à Cadix quasiment incontournable pour tous les navires de la Compagnie, la route des Indes contourne l’Afrique, avant de s’engager dans l’Océan Indien. Au retour, le navire fait escale aux îles Mascareignes (à l’est de Madagascar) puis Ascension (dans l’Atlantique sud, au large du golfe de Guinée). Les îles de France (Maurice) et de Bourbon (La Réunion) ont été rattachées en 1764 au domaine royal. Le navire retrouve Lorient le 15 juin 1766, après 14 mois de mer.
Cette chronique pourra être enrichie, car le voyage 1765-1766 du Duc de Choiseul semble relativement documenté. Les Archives nationales comptent en effet les livres de bord, l’état des passagers embarqués à Cadix, et plusieurs autres documents.
2 générations entre Pluvigner à Nouméa
Même si les informations sur la carrière de Christophe NAYEL restent lacunaires et s’il ne fut peut-être pas été le 1er des NAYEL à embarquer, son parcours est emblématique des opportunités offertes par la Compagnie des Indes, puis par la Marine pour s’inscrire dans une dynamique de progrès social.
Le petit-fils de Christophe, Charles GUILLAIN, fait ainsi une brillante carrière qui l’amène à devenir premier gouverneur de Nouvelle-Calédonie.
Nous ferons plus ample connaissance avec lui dans une prochaine chronique.
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