Carnet blanc à Lorient le 21 juin 1871
Ce mardi-là, à 9h45, un petit groupe se réunit devant l’hôtel de ville de Lorient.
L’adjoint au maire Evariste Louis AUBIN s’apprête à célébrer le mariage du jeune sculpteur Auguste NAYEL et d’Antoinette GAUTHIER.
Auguste vient d’avoir 26 ans.
Il se décrit ainsi quelques années plus tôt : « Aux favoris et sous le menton, [ma barbe] est blond foncé presque châtain. Sur le menton, elle devient un peu rouge et les moustaches qui sont très petites, sont, ainsi que la mouche d’un blond tellement pâle qu’elles paraissent presque blanches quand j’ai le teint animé. Ordinairement, je porte les cheveux beaucoup plus courts [...] » (lettre non datée, Angers, entre 1866 et 1868)
Cela fait un peu plus de trois mois qu’il est revenu à Lorient, après avoir participé à la défense de Paris contre les Prussiens avec les Mobiles du Morbihan entre septembre 1870 et mars 1871.
Il avait commencé à établir son atelier en 1969, après ses études aux Beaux Arts d’Angers, et enregistrait ses premières commandes.
A ses côtés, son père, Joseph NAYEL, retraité de la Marine, arbore fièrement sa Légion d’honneur. Il a très tôt été convaincu du talent de son fils cadet, a encouragé son apprentissage d’artiste et se réjouit de le voir épouser Antoinette GAUTHIER.
Les GAUTHIER comme les NAYEL habitent rue de la Patrie, et les familles se connaissent de longue date. Depuis Angers, Auguste prenait dans ses lettres des nouvelles de Claudius, le frère aîné d’Antoinette, et leur demandait de transmettre son bonjour à Antoinette. – non sans laisser entendre le trouble qu’il éprouve pour une autre jeune femme.
C’est néanmoins Antoinette qu’il retrouve et qu’il choisit d’épouser en rentrant à Lorient. Antoinette a un an de moins que lui. Son père, Claude GAUTHIER, originaire de la région lyonnaise était maître plâtrier. Il est mort lorsqu’elle avait 12 ans.
C’est sans doute pour compenser son absence que l’oncle maternel d’Antoinette est témoin du mariage. Il l’avait également été de la naissance d’Antoinette et de ses deux frères.
Les mères des jeunes mariés sont là aussi, émues sans doute de cette union. Toutes deux sont lorientaises.
Marie Françoise CADORET, la mère d’Antoinette a 56 ans. Chez les CADORET, on est bottier. L’oncle Eugène, comme le grand-père. Marie Françoise, elle, a épousé cet artisan venu de l’autre bout de la France. Du fait de son veuvage, elle a élevé en grande partie seule ses trois enfants.

Constance GRANGER, la mère d’Auguste a 63 ans. Elle lui a transmis cet air doux et ces yeux bleus souvent perdus un peu ailleurs. Avant que Joseph n’intègre le corps des comptables de la Marine en 1850, elle a passé des années à l’attendre alors qu’il sillonnait les mers, en relisant les longues lettres et les poèmes qu’il lui écrivait.
Leurs deux premiers enfants étaient morts en bas-âge mais Louis, le frère aîné d’Auguste est là également. Il est conducteur des ponts et chaussées, et travaille pour la compagnie ferroviaire d’Orléans.
La mariée arrive donc au bras de son oncle.
Antoinette est sans doute un peu impressionnée par la solennité de l’évènement, mais on ne peut rester indifférent à son charme..


Le mariage se fait sans contrat.
Les mariés ont tous deux choisi comme témoins leur frère aîné. Le dernier témoin est Édouard GRANGER le cousin d’Auguste, lui aussi conducteur des ponts et chaussées.
Après l’échange des consentements, la lecture du code civil et de l’acte, les jeunes époux, leurs parents et témoins signent le registre et partent célébrer l’évènement. L’adjoint au maire, de son côté, a un autre mariage à célébrer à midi et demi.
Théodore, le jeune frère d’Antoinette n’est pas mentionné mais il devait également être là. Il travaille déjà comme sculpteur avec Auguste et avait également participé à la défense de Paris avec les Mobiles. Peut-être a-t-il une personnalité plus fantasque comme le laisse supposer un album de dessins ? Il meurt précocement en 1882 à 33 ans.
Auguste et Antoinette partagèrent 38 ans de vie commune, jusqu’à la mort d’Auguste en 1909.
Les archives qu’Antoinette a réunies témoignent de l’admiration qu’elle avait pour son artiste d’époux. C’est grâce à la fidélité de leur fils Louis et de leur petite-fille Marguerite qu’elles ont été conservées et transmises.
Très intéressant merci du partage!
Un portrait .... Quelle chance de l'avoir