Antoinette et le Vendée Globe
Quel rapport entre la veuve du sculpteur Auguste NAYEL (1845-1909), les IMOCA et autres Ultims des courses au large d’aujourd’hui ?
Pour le savoir, il faut faire un détour par l’histoire de la zone de Keroman.
Pour qui connait Lorient aujourd’hui, c’est désormais le coeur de la “sailing valley”, avec le pôle de la Course au large, la Cité de la voile Eric Tabarly, des pontons réservés aux bateaux de course, des entreprises de pointe fabriquant les coques et les mats de ces Formule 1 des mers…
On sait moins que Keroman est un espace gagné sur la mer il y a seulement un peu plus d’un siècle. Le projet d’un nouveau port de pêche et de commerce a été imaginé dès les années 1880 pour résoudre l’encombrement de celui situé en cœur de ville. Mais le comblement de l’anse de Keroman et la construction de nouvelles infrastructures n’ont commencé qu’en 1911.
Inauguré en 1927, le nouveau port s’impose comme l’un des plus performants de France.


Mais ce développement est bousculé par la Seconde Guerre mondiale.
L’Allemagne nazie s’est dotée de sous-marins dès 1935 et investit massivement dans cette nouvelle arme. En juin 1940, elle décide d’aménager à Lorient sa principale base de sous-marins pour l’Atlantique. Le chantier est titanesque, mobilise 15 000 ouvriers et nécessite un million de mètres cubes de béton.


Le K1 (K pour Keroman) est achevé en septembre 1941, le K2 en décembre. Leur construction n’a duré que quelques mois. En octobre 1941, alors que la "petite base du Scorff" est inaugurée à Lanester, commence la construction du K3 - achevé en janvier 1943 -, des dom-bunkers et d’un quatrième abri encore en cours de construction à la fin de la guerre.
Ces installations sont des cibles privilégiées pour les Alliés, et sont bombardées dès septembre 1940. Les raids aériens s’intensifient en 1941 et 1942, et plus encore début 1943. Entre le 14 janvier et le 16 février, plus de 60 000 bombes sont larguées sur Lorient. En février 1943, la ville est en grande partie anéantie mais la base semble indestructible.


Touchée par une bombe incendiaire, la maison qu’Auguste NAYEL avait fait construire à l’angle de la rue Duguay-Trouin et de l’avenue de la Marne est démolie après guerre dans le cadre du plan de reconstruction.
Réfugié à Angers depuis 1940, Louis, le fils d’Auguste et d’Antoinette, revient à Lorient après guerre mesurer les disparitions, et percevoir les quelques dommages de guerre octroyés.
Profondément marqué par le conflit, les deuils précédents et ces destructions, il meurt à Angers le 31 décembre 1947.
Et Antoinette dans tout cela ?
Veuve d’Auguste NAYEL depuis 1909, Antoinette GAUTHIER s’était éteinte en juillet 1937, juste après le retour de Louis - et de ses trois filles - de Madagascar où il avait fait l’essentiel de sa carrière.
Elle n’a pas vécu l’occupation allemande, mais avait en revanche connu le chantier d’aménagement du port, et sans doute suivi en partie les travaux. Comme pour tous les lorientais avant la construction du nouveau port, Keroman était le lieu de promenade et de loisirs.

Dans ses lettres écrites à ses parents en 1860 de Paris, Auguste y évoquait d’ailleurs ses baignades. Plus tard, il y peint de nombreuses aquarelles.
Toujours est-il qu’au lendemain de la guerre – et donc post-mortem, Antoinette figure parmi les propriétaires d’une petite bande de terrain située approximativement aujourd’hui entre le K2, le sous-marin Flore et le ponton des Pen Duick et autres bateaux des courses au large.


Pourquoi avait-elle acheté ce terrain dans cette nouvelle zone portuaire ?
Cela reste un mystère que nous réussirons peut-être à éclaircir un jour…
Avis donc aux cousins et neveux pour plonger dans les archives notariales, explorer la succession d’Antoinette et celle de Louis pour savoir si la question de l’expropriation et du rachat du terrain a bien été réglée.
Peut-être sommes-nous toujours (branche bleue seulement, hein ! mais on accueillera volontiers les autres…) propriétaires indivis de cet espace prestigieux ?
Grand merci à Mickaël SENDRA, président de l’association mémoire de Soye de Ploemeur (56) d’avoir identifié et de m’avoir transmis ces documents conservés au SHD.
Pour une découverte de Keroman et Kergroise à travers un très joli petit livre photos :
Super article connectant à nouveau les époques ! Incroyables ces espaces gagnés sur la mer… Antoinette avait, peut-être, « l’ultime » intuition que ce lieu deviendrait mythique ! Bravo pour les recherches, et bon vent